Cela fait un moment que nous ne nous sommes pas penchés sur les cryptomonnaies, l’un des segments de marché qui a le plus souffert cette année. Étant donné leur grande sensibilité aux conditions de liquidité, les actifs numériques sont rapidement entrés dans une zone de turbulences, avant même que la volatilité ne s’empare des marchés financiers en début d’année. Pour mémoire, la capitalisation boursière totale des actifs numériques a atteint 3 000 milliards de dollars en novembre 2021.

Un rebond impressionnant

Cependant, à la fin du premier semestre 2022, cette capitalisation avait fondu des deux tiers. À l’instar d’autres actifs risqués, les cryptomonnaies ont enregistré un rebond en juillet. Leur capitalisation boursière est repassée au-dessus du seuil des 1 000 milliards de dollars. Faut-il pour autant en déduire que le «l’hiver des cryptomonnaies» est terminé?

Il est encore trop tôt pour se prononcer car cela dépendra en grande partie de l’évolution des conditions financières. À court terme, cette classe d’actifs reste très vulnérable à un nouveau resserrement. Pour le moment, l’impact de la relance consécutive à la pandémie s’est entièrement inversé. Les plus-values des investisseurs qui ont investi les chèques d’aide distribués par le gouvernement et leur épargne excédentaire dans les actifs numériques au début de la reprise post-pandémie se sont évaporées.

Des raisons d’espérer

La performance des cryptomonnaies depuis le début de l’année reste déprimante mais, en creusant un peu, on observe quelques évolutions encourageantes. La déroute des cryptomonnaies a eu pour mérite d’assainir le marché en mettant à nu des modèles d’affaires douteux, uniquement viables lorsque la liquidité est abondante. L’effondrement de plusieurs «stablecoins» algorithmiques non adossés, la faillite de certaines plateformes de prêt de cryptomonnaies, ainsi que la liquidation forcée de l’un des plus gros hedge funds spécialisé dans les cryptomonnaies en sont les exemples les plus marquants.

Dans le cas des plateformes de prêt de cryptomonnaies, les investisseurs étaient leurrés par la promesse de rendements «garantis» (entendez-vous le signal d’alarme?) d’un niveau absurde. En fait, ces plateformes avaient recours à des stratégies impliquant un effet de levier scandaleux et adossées à des garanties insuffisantes ou de piètre qualité. Parfois, il n’y avait même aucun adossement physique ou financier.

Au bout du compte, l’absence d’adossement actif/passif – des passifs exigibles étant donné les conditions de remboursement généreuses conjugués à des éléments d’actif plombés par des stratégies de rendement illiquides – inhérente à ces modèles d’affaires est apparue au grand jour, avec à la clé une multiplication des demandes de retrait qui ont amplifié la chute des cours.

Il n’y a rien de nouveau dans cet enchaînement d’événements: Tout au long de l’histoire, les marchés financiers ont connu plusieurs crises du crédit consécutives à une séquence similaire, notamment la Grande crise financière. Cette fois-ci, heureusement, les marchés de cryptomonnaies ne sont encore pas assez grands ou aussi interconnectés pour poser un risque de contagion aux marchés financiers dans leur ensemble. Par conséquent, les dégâts se limitent à des faillites isolées.

Quel rôle à jouer pour la réglementation?

Sans surprise, les dernières faillites ont suscité des appels à l’intervention des pouvoirs publics dans le domaine des cryptomonnaies, y compris de la part de la vice-présidente de la Réserve fédérale américaine Lael Brainard.

Il va de soi qu’une surveillance réglementaire rigoureuse serait une bonne chose car cela protégerait les consommateurs, apaiserait les craintes pour la stabilité du système financier et, en dernier ressort, faciliterait l’adoption des cryptomonnaies par les investisseurs institutionnels. Néanmoins, la législation à venir de part et d’autre de l’Atlantique parle aussi pour elle-même: les autorités de réglementation ne s’attendent pas à ce que l’écosystème des actifs numériques retombe dans l’anonymat. Nous non plus.

Nous apprécions toujours «l’optionalité» conférée par une modeste allocation aux actifs numériques dans le cadre d’un portefeuille. Une récente étude de la CFA Institute Research Foundation préconise une allocation pouvant aller jusqu’à 4% pour les investisseurs qui ont une certaine aversion au risque. Sur la base des données historiques, une telle allocation n’aurait guère changé le profil de risque d’un portefeuille tandis qu’une allocation plus importante l’aurait fait évoluer plus drastiquement.

Cette étude examine l’ajout du seul Bitcoin. Toutefois, nous pensons qu’il faut mettre l’accent sur une exposition diversifiée et dûment sélectionnée. L’évolution récente des marchés montre bien qu’il est primordial de gérer avec prudence les risques idiosyncrasiques dans ce domaine.

En résumé, l’argument fondamental de la désintermédiation permise par la technologie «blockchain» est loin d’être enterré. Des applications commerciales viables de cette technologie apparaissent lentement mais sûrement. Souvenez-vous que, même si l’éclatement de la bulle Internet a abouti à la faillite de certaines entreprises phares du web de l’époque, il y avait parmi les survivantes des entreprises très compétitives auxquelles l’e-commerce, les réseaux sociaux, le streaming et l’informatique en nuage doivent leur avènement. On connaît la suite.

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