Un rebond habituel lors d’un marché baissier
Les marchés baissiers, définis comme une chute des actions de plus de 20% par rapport au sommet précédent, sont somme toute un phénomène rare. Lors des 70 dernières années, l’indice S&P 500 est entré en territoire de marché baissier à 11 reprises avant de reprendre son ascension vers de nouveaux sommets. Certains de ces marchés baissiers ont pris fin assez rapidement, à l’instar de celui induit par la pandémie en 2020 ou du krach du Lundi noir d’octobre 1987. D’autres, comme celui qui a suivi l’éclatement de la bulle Internet ou celui engendré par la Grande crise financière, se sont accompagnés d’une profonde récession ou de turbulences financières, et ils ont duré plus longtemps avec une baisse sensible de la valorisation des actions. On peut qualifier ces derniers de «marchés baissiers séculaires». Enfin, il y a eu des marchés baissiers plus brefs et moins marqués que l’on pourrait qualifier de «marchés baissiers cycliques».
Les deux dernières catégories de marchés baissiers ont été marquées par un ou plusieurs rebonds qui ont vu les actions rebondir rapidement et violemment avant de tester, voire d’enfoncer, les plus bas précédents. Lors des marchés baissiers cycliques du S&P 500, les épisodes de rally les plus marquants ont duré un peu plus de deux mois en moyenne, avec des cours qui ont progressé de 12,4% en moyenne. À cet égard, le rally estival qui a fait grimper les actions américaines de 17,4% entre la mi-juin et la mi-août a été un peu plus bref (il n’a duré que deux mois) mais il a été plus marqué que la moyenne historique.
Le rebond estival a tourné court à Jackson Hole.
En définitive, la tendance haussière éphémère a été enrayée par la fermeté affichée de plus en plus clairement par la Réserve fédérale américaine (Fed) à l’approche de la réunion annuelle des banquiers centraux à Jackson Hole, dans le Wyoming. De nombreux participants au marché s’attendaient à ce que la Fed adopte un ton plus accommodant compte tenu de l’amorce de décrue de l’inflation et du niveau des taux directeurs, qui étaient censés avoir atteint une zone neutre. Le président de la Fed Jerome Powell a déçu les marchés, qui ont rapidement procédé à un réajustement pour refléter la perspective d’un cycle de resserrement un peu plus long et plus marqué. Au 13 septembre, le S&P 500 accusait un repli de 18% par rapport à son sommet de janvier 2022.
Comme nous nous attendions à ce qu’une possible mauvaise nouvelle entraîne une rechute des cours et une tentative d’enfoncement des points bas précédents, nous avons couvert nos portefeuilles à la mi-août. Cela nous a permis de réduire notre allocation en actions sans avoir à modifier notre structure de portefeuille équilibrée. Lorsque nous aurons le sentiment que les marchés ont atteint leur point le plus bas, il sera sans doute beaucoup plus simple de dénouer cette position en prenant nos bénéfices que d’essayer de redéployer de l’argent frais dans un environnement qui restera probablement volatil et incertain.
Perspectives pour la fin de l’année
On peut dire que les marchés étaient excessivement enthousiastes avant la publication de l’indice des prix à la consommation aux États-Unis au mois d’août. Par la suite, il y a eu une violente correction pour l’ensemble des classes d’actifs face à la perspective d’un resserrement monétaire plus marqué. Une tentative d’enfoncement du point bas de juin sur les marchés d’actions reste une possibilité mais nous pensons que la Fed deviendra plus conciliante vers la fin de l’année grâce à la baisse des cours des matières premières. S’agissant des entreprises, même si les estimations de bénéfices ont été revues à la baisse, excepté pour le secteur du pétrole et du gaz, les marges bénéficiaires résistent bien pour le moment. Dans ce contexte de brusque réajustement du coût du capital, le marché est en quête d’un nouvel équilibre alors que nous sortons de l’ère de la répression financière. Il s’agit incontestablement d’un processus douloureux.
Toutefois, les perspectives de rendement sont nettement plus prometteuses qu’en début d’année. À court terme, des chiffres d’inflation meilleurs que prévu et un cessez-le-feu en Ukraine demeurent les deux catalyseurs susceptibles d’engendrer un vif rebond des actifs risqués. Si les États-Unis entrent en récession technique, les bons du Trésor américain devraient surperformer les obligations exposées au risque de crédit. Si jamais la Fed parvient à orchestrer un atterrissage en douceur, ce sera l’inverse. Nous restons investis tout en couvrant nos positions car le processus de stabilisation est reporté en attendant des données brossant un tableau plus encourageant concernant la pression inflationniste. Cependant, nous sommes prêts à profiter de la faiblesse chronique des marchés pour repositionner nos portefeuilles dans l’optique de l’année 2023 et au-delà.