Comment voyez-vous le marché immobilier suisse en 2019 et au-delà?

Prof. Dr Donato Scognamiglio: «Jusqu’à il y a six mois, j’aurais appelé à la prudence. Mais en voyant comment les marchés boursiers se sont comportés l’année dernière, je dois reconnaître que les rendements ne sont pas si mauvais. Ce sont surtout ceux qui possèdent déjà des biens immobiliers qui peuvent s’estimer heureux. Nous sommes cependant quelque peu sceptiques en ce qui concerne les logements vacants. On a beaucoup construit, peut-être un peu trop. Donc tant mieux pour qui est propriétaire et prudence pour qui veut le devenir.»

Comment évaluez-vous la possibilité d’un effondrement du marché au cours des mois et des années à venir?

«Je ne crois pas que nous assisterons à un crash au cours des mois à venir. La Suisse est convoitée, surtout lorsque l’Europe est en crise. Si vous me demandez ce qu’il en sera d’ici deux à trois ans, j’ai le sentiment que ceux qui achètent maintenant avec des rendements bruts de trois pourcents ou moins devront faire face à des ajustements. Si les intérêts devaient passer de trois à quatre pourcents sans que les loueurs aient la possibilité d’augmenter les loyers en raison des logements vacants, nous réaliserons ce que signifie «durée, durée, durée». Jusqu’à présent, ce scénario a tout simplement été ignoré, mais nous en ferons tous l’expérience bien assez tôt.»

Quelles sont actuellement les régions les plus intéressantes?

«Désirez-vous de l’espoir ou du cash? Qui veut acheter de l’espoir investit sur la Bahnhofstrasse à Zurich en escomptant une augmentation de la valeur. De manière générale, c’est dans les villes que ces investisseurs feront les meilleures affaires. Qui veut du cash va à Coire.»

Le marché suisse de l’immobilier est-il intéressant pour les investisseurs étrangers?

«De nombreuses dispositions visent les investisseurs étrangers. Ils ne peuvent pas Ils ne peuvent pas facilement intervenir sur le marché du logement, mais ils peuvent se tourner vers les bureaux, les immeubles commerciaux et les centres commerciaux. Plus généralement : qu’est-ce que l’immobilier? L’immobilier, c’est l’emplacement, l’emplacement, l’emplacement. Et la Suisse sera encore attractive dans dix ans, et même, espérons-le, dans vingt et cent ans. Je recommande à qui peut investir ici de le faire.»

Quelle est la particularité du marché suisse de l’immobilier?

«Les Suisses sont un peuple de locataires. En Allemagne, par exemple, les immeubles collectifs sont seulement un épiphénomène. Mais 60% des Suisses vivent dans un appartement en location. Et heureusement! Car c’est justement cette forte proportion qui génère les rendements de placements dont les caisses de retraite ont aujourd’hui besoin pour garantir la prévoyance. En bref: la Suisse a un faible taux de propriété, de nombreux locataires et un haut degré de stabilité. Cela entraîne des flux de capitaux stables, y compris je l’espère à l’avenir.»

Les investisseurs devraient-ils plutôt se concentrer sur l’immobilier commercial ou résidentiel?

«Personnellement, je privilégie le segment résidentiel. Il est régulé, on connaît déjà par avance les apports de capitaux, et l’on sait qu’avec une bonne situation dans le centre, il ne peut presque rien se passer. Pour des investissements en agglomération, on devrait toutefois aujourd’hui se montrer prudent en raison des logements vacants. Les bureaux sont plus dépendants des cycles. Il y a eu des phases avec d’énormes taux de vacances. Zurich Nord n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres. Si la conjoncture s’améliore à nouveau, les surfaces vides se rempliront. Il serait donc inopportun de recommander uniquement l’immobilier résidentiel. Les bureaux sont intéressants, mais présentent simplement davantage de risques.»

Quelle est la meilleure solution? Un placement direct ou indirect dans l’immobilier, par exemple par le biais d’actions ou de fonds immobiliers?

«Comparer investissements directs et investissements indirects n’est pas si simple. Chacun peut investir indirectement et se diversifier rapidement. Il existe des produits très intéressants sur le marché. Qui souhaite obtenir le même effet avec des placements directs doit être extrêmement fortuné. Je prends un exemple: vous achetez un ensemble immobilier pour cinq à dix millions. Pour diversifier votre portefeuille, vous voulez cependant ajouter vingt à trente emplacements supplémentaires. Vous devez alors déjà disposer de 200 à 300 millions. Vos biens immobiliers ne devraient pas représenter plus de vingt à trente pour cent de votre portefeuille. Vous avez donc besoin d’environ 1,5 milliard au total. Il y a très peu d’investisseurs pouvant placer une telle somme. Les placements indirects sont donc, pour la plus grande partie de la population, le meilleur moyen pour participer d’une manière ou d’une autre à ce marché.»

Vous observez le marché de l’immobilier depuis 20 ans. Quelles ont été, pour vous, les expériences les plus décisives?

«Sur le plan personnel, ce sont souvent les parcours de vie de personnes âgées aisées qui m’ont touché. À force de travailler, elles ont régulièrement sacrifié leurs loisirs et finissent leur vie en étant malades. Constater cela fait de la peine.

Par ailleurs, je me souviens bien du sauvetage de certaines banques suisses. Elles ont subitement eu besoin de beaucoup d’argent et ont fait attention à avoir de bonnes positions pour se refinancer. Avec ses opérations sur lettres de change Limmat, UBS était l’une d’elles. Au début des années 90, la Caisse d’épargne et de prêt de Thoune a fait faillite. Quelles leçons en tirer? Dans l’immobilier, on peut non seulement gagner beaucoup d’argent, mais aussi en perdre énormément.

Ce qui frappe aujourd’hui, c’est que la jeune génération ne sait pas que des intérêts peuvent monter jusqu’à 7.5%. Elle part de l’hypothèse que les intérêts sont bas et vont le rester. Personnellement, je ne m’attendais pas non plus à Donald Trump ou au Brexit. Ou à ce que l’Italie ne participe pas à la Coupe du monde. Et tout à coup, nous nous réveillons et constatons que les intérêts ne se situent pas autour de «un virgule zéro», mais soudainement autour de deux, trois pour cent ou plus. Je suis toujours surpris par la rapidité avec laquelle ces événements tombent dans l’oubli. C’est justement la jeune génération qui devrait se préparer à une augmentation des taux d’intérêts.»

Quelles sont les erreurs les plus fréquentes en matière d’investissements immobiliers?

«Qui veut devenir riche vite ne devrait pas investir dans l’immobilier. L’immobilier est comme un mariage, il s’inscrit dans la durée. On ne conclut pas un contrat pour en changer le lendemain.

Par ailleurs, il faut bien analyser l’emplacement et ne pas se laisser éblouir par l’argent gratuit. Ce sont justement ces incitations à investir qui nous conduisent aujourd’hui à faire de mauvais placements. Les gens investissent dans des vallées que personne ne connaissait il y a encore deux à trois ans. Ces investissements d’aujourd’hui seront dépréciés demain.»

La suppression de la valeur locative est en cours de discussion à l’heure actuelle. Quelles seraient les conséquences pour les différents groupes d’intérêts?

«Qui va devoir payer cela? Les locataires. Qui va en profiter? Surtout des propriétaires fonciers aisés d’un certain âge. Avec ces faibles taux d’intérêts, ils vont pouvoir respirer car ils ne devront plus payer d’impôts sur ce revenu fictif. Pour les commerçants, l’impact sera négatif, car ils ne pourront alors plus déduire les coûts d’investissement et d’entretien. Je pars de l’hypothèse que c’est surtout ce groupe qui défendra bruyamment ses intérêts. Ceux qui investissent dans des objets de placement ne sont pas vraiment concernés par le projet prévu.»

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